La FIA demande moins d’injures dans les radios des pilotes. Or, des voix s’élèvent contre cette demande, avec de très fortes contestations.
La FIA, par la voix de son président, Mohammed Ben Sulayem, a récemment exprimé, dans une interview accordée à nos confrères de Motorsport.com, son souhait de limiter les injures venant des pilotes. « Nous ne sommes pas des rappeurs. Combien de fois par minute disent-ils le mot qui commence par F [fuck] ? Nous ne faisons pas ça », a-t-il déclaré.
Cette situation a atteint un nouveau point ce week-end, lors de la conférence de presse d’avant-course, où certains pilotes ont exprimé leur mécontentement. Max Verstappen est allé jusqu’à proposer une solution : ne pas diffuser les radios contenant des gros mots. Il a également conclu en disant : « Qui sommes-nous ? Des enfants de cinq ans ? Même si un enfant de cinq ou six ans regarde, il finira de toute façon par jurer, même si ses parents ne le font pas ou ne le permettent pas, quand il sera grand, il se promènera avec ses amis et ils jureront. Donc, vous savez, cela ne change rien. » Le champion du monde en titre montre que la volonté de Mohammed Ben Sulayem est vaine, face à l’omniprésence des injures dans notre société.
De plus, Lewis Hamilton s’est joint au pilote néerlandais, mais pour critiquer le caractère stigmatisant des propos du président de la FIA : « Ça voudrait dire que les rappeurs sont très stéréotypés et si vous y réfléchissez, la plupart des rappeurs sont noirs, et ça va vraiment dans ce sens quand il dit ‘Nous ne sommes pas comme eux’. Le choix des mots n’est pas bon. Il y a un élément racial. »
La F1 victime de son succès.
Depuis le développement médiatique de la Formule 1, la discipline s’est peu à peu standardisée dans sa communication. En effet, elle touche un public très large et de tous âges. Le lancement d’une chaîne destinée aux enfants, en Angleterre, montre la volonté de toucher également les plus jeunes. Afin que cela fonctionne, la FIA souhaite présenter les pilotes comme de bons exemples, de bons modèles. Cependant, avec l’augmentation du nombre d’injures, c’est l’effet inverse qui se produit…
Ce week-end, lors du Grand Prix de Singapour, Max Verstappen s’est vu infliger, par les commissaires de la FIA, des heures de travaux d’intérêt général. La cause : une infraction à l’article 12.2.2.k du Code Sportif International pour l’utilisation d’un langage inapproprié. En l’occurrence, l’emploi du mot « fucked » (traduisible par « niqués ») lors de la conférence de presse d’avant-course de jeudi lui est reproché.
À la suite de cet événement, le champion du monde en titre a exprimé son mécontentement face à cette décision. Samedi soir à Marina Bay, après la séance de qualifications, le pilote néerlandais n’a pas répondu aux questions des journalistes lors de la traditionnelle conférence de presse organisée par la F1. Cependant, il a tenu sa propre conférence, à l’extérieur, après celle d’officielle. Au niveau des pilotes, la décision de cette infraction ne passe pas non plus.
Lewis Hamilton déclare « Je pense que c’est un peu une blague, pour être honnête. C’est l’apogée du sport. Des erreurs sont commises. Je ne le ferais certainement pas (travaux d’intérêt général) et j’espère que Max ne le fera pas ».
Le poleman et vainqueur de ce week-end, Lando Norris, est du même avis : « Je pense que c’est assez injuste. Je ne suis d’accord avec rien de tout cela ».
Enfin, le dimanche après la course, Max Verstappen remet le couvert : « Ce genre de choses dictent vraiment mon avenir, lorsque vous ne pouvez pas être vous-même ou que vous devez faire face à ce genre de choses stupide » déclare-t-il. Il ajoute « À un moment donné, quand c’est trop, c’est trop. Nous verrons bien. Comme je l’ai dit, le sport automobile persistera. La F1 continuera aussi sans moi. Ce n’est pas un problème [pour la FIA], mais ce n’est pas non plus un problème pour moi. » De quoi remettre en question la notion de liberté d’expression au sein de la discipline où la langue de bois est un langage universel.
Des mesures déjà prises par le passé.
Dans le passé, la discipline reine du sport automobile a déjà été confrontée à ce genre de problème. Depuis l’apparition des teams radios, au milieu des années 1980, jusqu’en 2002, les conversations étaient diffusées en direct. Le premier point de bascule a eu lieu lors du Grand Prix de Belgique de cette même année. Juan Pablo Montoya, alors en plein tour de qualification (une seule tentative à l’époque), a insulté Kimi Räikkönen, qui avait ruiné sa tentative. Depuis, la diffusion des radios est différée et censurée.
Plus récemment, Verstappen s’est déjà retrouvé au cœur de polémiques liées à des injures, notamment en 2020, lors des essais libres du Grand Prix du Portugal, à Portimão. Une collision avec Lance Stroll (chez Racing Point à l’époque, avant le rebranding en Aston Martin) a déclenché une série d’insultes de la part du Néerlandais, dont le terme « Mongolien ». Or, cette injure avait suscité l’indignation de la communauté mongole, au point de provoquer une réaction de l’ex-ambassadeur de la Mongolie à l’ONU, Lundeg Purevsuren, qui a demandé des excuses face à ces commentaires « racistes et désobligeants » de la part du pilote.
De manière plus large, ces insultes et gros mots peuvent être synonymes de violence. Même si elle est rare, cette dernière peut tout de même réapparaître. Elle peut venir du public envers les pilotes. L’exemple le plus fort étant celui de Lewis Hamilton et les insultes racistes reçus en 2020. Mais cela peut aussi apparaître entre les pilotes. Il y a notamment eu Michael Schumacher contre David Coulthard, à Spa, en 1998. De même avec Esteban Ocon et Max Verstappen, à Sao Paulo, en 2018. Ces deux cas sont dus à des accrochages entre les pilotes cités.
Le combat de la FIA est noble. Or, les censures et injures en F1 ont toujours existé. Il est naturel venant d’un humain, surtout dans le monde du sport de haut niveau, avec la frustration et la pression. De plus, la FIA empêche déjà la promotion de messages politiques, religieux ou encore personnels. Certains observateurs et acteurs, dans les paddocks, dénonçaient une hypocrisie de la part des instances, surtout depuis le slogan « We Race As One ». À voir si les pilotes vont être moins grossiers dans leurs radios, avec la pression des commissaires et de la FIA.