A 21 ans, Reshad De Gerus dispute sa troisième saison au volant d’une LMP2, un prototype conçu pour l’endurance. Le pilote réunionnais a participé au “Rookie test” de Bahreïn le 3 novembre dernier. Une occasion pour lui de prouver son talent à bord de l’hypercar championne du monde de WEC.
“C’est une super opportunité qui s’offre à moi, je touche mon rêve du bout des doigts.” Les mots de Reshad de Gerus, jeune pilote réunionnais, soulignent toute la détermination d’un sportif prêt à saisir une opportunité rare et précieuse. Il figure parmi les premiers pilotes sélectionnés par l’organisation du Championnat du monde d’endurance (WEC) pour piloter l’hypercar championne lors de la dernière manche de la saison. Une occasion convoitée, réservée aux meilleurs pilotes de diverses catégories, réputée pour ses exigences techniques et physiques.
Originaire de La Réunion, Reshad de Gerus a quitté son île à seulement 14 ans pour rejoindre un programme de sport-études en sport automobile à la FFSA Academy au Mans. Passionné depuis l’enfance par les sports mécaniques – une passion largement partagée sur son île natale –, Reshad commence le karting à l’âge de 5 ans. Sa participation à la Coupe de France de mini-kart en 2010 lance sa carrière.
Sa persévérance le mène à quitter La Réunion en 2017 pour s’installer au Mans, haut lieu des sports automobiles en France. Là, il passe du karting à la monoplace, grimpant les échelons de chaque catégorie. Le pilote participe successivement au Championnat de France de F4, à la Formule Renault, et enfin à la FIA F3. Ces expériences lui offrent des bases solides pour lui permettre développer son mental de champion. “Après le bac, je voulais faire une école d’ingénieurs, mais ils ne m’ont pas accepté à cause de mes absences. Ma deuxième option était de partager mon expérience, alors j’ai passé un DEJEPS (ndlr: Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport) pour enseigner aux jeunes pilotes.”
Reshad de Gerus lors de la parade des pilotes des 24h du Mans (via Facebook)
À 18 ans, Reshad intègre le Duqueine Team dans la catégorie LMP2 de l’European Le Mans Series (ELMS). Avec l’écurie Cool Racing en 2023, il renforce ses compétences en compétition avant de rejoindre IDEC Sport pour la saison 2024, où il se démarque dès la première manche avec une 4e place à Barcelone. Cette performance laisse présager une belle saison. “Mon objectif, c’est vraiment de rouler pour un constructeur. J’ai hâte d’accéder à l’hypercar, même si ce n’est pas une fin en soi,” avoue-t-il. Il est, par ailleurs, bien conscient des défis financiers qui jalonnent son parcours : “Dans ce milieu, tout coûte très cher. Sans partenaires, c’est difficile d’avancer, et même avec eux, on ne sait jamais pour combien d’années ils nous soutiendront.”
Un podium aux 24 Heures du Mans
En rejoignant IDEC SPORT en 2024, le Sarthois d’adoption intègre une écurie qui, bien que modeste comparée aux géants du circuit, mise sur la rigueur et la cohésion. Son travail et sa régularité lui permettent de décrocher une place sur le podium des 24 Heures du Mans, la course phare de la discipline, lors de laquelle il termine troisième avec son équipe. “Je suis content de la saison que j’ai faite, on a beaucoup travaillé depuis le début. Il faut savoir qu’on est une petite équipe, avec une seule voiture. Mais en tout cas, on se défend très bien.” La saison 2024 du championnat ELMS est particulièrement relevée, mais l’équipe se montre constante et performante, que ce soit en qualification ou en course.
Job van Uitert, Reshad de Gerus, Nicolas Minassian et Paul Lafargue sur le podium des 24h du Mans (via Facebook)
Son podium au Mans est un véritable moment d’apprentissage. “Ça a été la course la plus difficile de ma carrière, avec des conditions changeantes,” confie-t-il. Reshad, en l’espace de 24h, a eu l’occasion de se surpasser et de maturer son pilotage dans des conditions changeantes, ajoutant une difficulté supplémentaire à cette épreuve mythique. “Je décroche aussi le Wingfoot Award,” précise le Réunionnais, “un prix qui récompense le pilote le plus constant sur ses relais lors des 24 Heures du Mans. C’est une immense fierté, surtout face à des compétiteurs bien plus expérimentés.”
IDEC Sport est fondée sur la performance, mais aussi sur le côté humain, une combinaison précieuse pour le coureur automobile. “On travaille tous ensemble, dans la même direction. C’est un plaisir d’aller sur les circuits.” Cette cohésion renforce la dynamique de l’équipe et aide le pilote à repousser ses limites, dans une recherche constante d’amélioration : “Cela permet d’élever son niveau et d’exploiter au maximum ses capacités et celles de la voiture.”
Dans les premiers sélectionnés pour le “Rookie Test”
La consécration arrive lorsque Reshad de Gerus est choisi pour participer au Rookie Test de la catégorie hypercar, un test prestigieux réservé aux jeunes talents prometteurs. “Pour la petite anecdote, je ne m’y attendais pas du tout. J’étais à la salle de sport quand on m’a appelé. Cédric Vilatte, responsable des événements en WEC, m’a annoncé la nouvelle. Au début, je n’y croyais pas trop, mais c’était bien vrai !”
Avec trois années d’expérience en LMP2, son dernier défi en date : le Rookie Test. Confiant avant le roulage, il a tout de même reconnu la difficulté physique et technique que représente la catégorie hypercar. “Physiquement, ça passe un peu plus vite dans les virages et il y a plus de G (ndlr: force de gravité) à encaisser. Mais techniquement, il y a plus de systèmes à comprendre.”
La préparation mentale et physique est un incontournable de tout sportif de haut niveau. Le sarthois d’adoption a choisi de gérer seul cet aspect de sa carrière, fort de son expérience avec des psychologues du sport et des sophrologues rencontrés durant ses études. “Quand j’ai des bas, j’ai toujours mes objectifs en tête. Je me focalise là-dessus et ça me permet de rebondir.” Il utilise aussi des exercices de respiration pour se recentrer rapidement dans l’intensité des courses: “Pendant une course, je peux faire ça très rapidement.”
L’auto-coaching, c’est miser sur son autonomie, même s’il garde en tête les contacts d’experts en cas de besoin. “Je suis maintenant capable de me débrouiller tout seul sur ma préparation physique. Bien sûr, si j’ai besoin de conseils, je sais qui contacter.” Il va même au-delà en transmettant ses connaissances aux plus jeunes pilotes, leur offrant l’encadrement qu’il aurait aimé avoir. “J’essaie d’être un conseiller, de les encadrer autant sur la technique que sur la préparation physique et psychologique.”
Cette capacité à prendre du recul lui permet aussi de garder une vision plus globale de sa carrière. “Cela m’aide, quand je roule, de pouvoir me poser et de voir les choses en arrière-plan, d’avoir une vision plus globale.” Une circonspection qui semble être son meilleur atout à Bahreïn. A bord de la Toyota GR010 Hybrid, détentrice du titre constructeurs WEC 2024, Reshad de Gerus a réalisé 31 tours (soit un de plus que le minimum attendu) pleins de nouvelles sensations.