À défaut d’un scénario haletant ou d’un duel titanesque en tête, ce Grand Prix du Japon 2025 aura surtout confirmé certaines lacunes persistantes dans le paddock. Entre stratégie figée, ambitions déçues et rythme de course endormi, on fait le point sur les tops et flops d’un week-end qui a peiné à tenir en haleine.
Top 1 – Hadjar débloque son compteur : premiers points et week-end maîtrisé
C’est une étape symbolique que vient de franchir Isack Hadjar à Suzuka. Pour son troisième week-end de Grand Prix seulement, le Français a ouvert son compteur en F1, décrochant une précieuse huitième place synonyme de premiers points… et de premiers frissons. Dans le rythme tout le week-end, le pilote Racing Bulls s’est illustré par sa régularité, son sang-froid et une stratégie parfaitement exécutée, dans un environnement qui n’a laissé aucun répit.

Le contexte rend la performance encore plus significative : Suzuka est un circuit redoutable, rapide et exigeant, où l’erreur ne pardonne pas. Hadjar n’a pas tremblé, que ce soit au départ face à Hamilton, ou dans sa gestion du trafic et des pneus. S’il a laissé filer la Ferrari dès que le rythme a imposé une différence de catégorie, il a parfaitement contenu ses poursuivants directs, en particulier Alexander Albon, son rival du jour.
Mais Hadjar n’a pas seulement été solide : il a aussi été audacieux. L’image forte de son Grand Prix reste ce dépassement par l’extérieur sur l’autre pilote Williams Carlos Sainz, qui a impressionné par son audace et son timing. En interview, il avouait avoir eu une belle frayeur sur ce mouvement, preuve que l’instinct de course commence à prendre le dessus sur la prudence du débutant.
À l’arrivée, le Français s’est dit “très fatigué”, usé par les forces centrifuges d’un tracé aussi rapide que brutal pour la nuque, mais “heureux” d’avoir “réalisé un week-end parfait”. Cette huitième place vaut bien plus que quatre points : elle marque une entrée remarquée dans la cour des grands, et la première présence d’une Racing Bulls dans le top 10 un dimanche. Un signal fort pour l’avenir.
Top 2 – Verstappen, seul contre tous : victoire, records et résilience
Il y a des week-ends où Max Verstappen semble simplement inarrêtable. Et à Suzuka, au bout de 53 tours parfaitement maîtrisés, le triple champion du monde est allé chercher sa première victoire de la saison, mais surtout sa quatrième consécutive sur le circuit japonais, un record personnel inédit… et un nouveau chapitre de son histoire d’amour avec Honda, qui s’arrêtera à la fin de cette saison.
Pourtant, rien ne laissait présager un tel triomphe en début de week-end. En retrait lors des essais libres, Verstappen a su faire parler sa science du tour parfait pour arracher une pole surprise samedi. Le lendemain, il a tenu bon face aux assauts des McLaren au départ, puis géré avec brio une situation tendue à la sortie des stands, où il a manqué de peu de s’accrocher avec Lando Norris. Mais comme souvent, il a su garder la tête froide, reprendre la main, et imposer son rythme.

Cette victoire, obtenue avec seulement 1.4 seconde d’avance, n’a rien d’une promenade de santé. Verstappen a dû composer avec une stratégie à un seul arrêt, une piste fraîche qui limitait la dégradation, et surtout la pression constante des McLaren. Mais malgré cela, il n’a jamais vacillé. À l’arrivée, c’est un pilote soulagé mais surtout fier qui évoquait une “parfaite manière de conclure [le] dernier Grand Prix au Japon avec Honda”.
En s’imposant à Suzuka une quatrième fois de suite, Max Verstappen dépasse un certain Sebastian Vettel dans les annales du circuit et revient à un point de Norris au classement général. Une manière de rappeler que, même dans un début de saison mouvementé, il reste le mètre-étalon de la grille, et que sans lui, Red Bull ne jouerait pas grand-chose cette année.
Top 3 – Antonelli, le rookie qui mène la danse
Il n’a que 18 ans, mais il a déjà conquis les cœurs. Andrea Kimi Antonelli continue de surprendre tout le paddock en ce début de saison, et le Grand Prix du Japon 2025 n’a fait que renforcer cette impression : une sixième place finale, un rythme impressionnant en course, le meilleur tour, et surtout… des tours en tête, rien que ça.
Le rookie Mercedes, encore en phase d’apprentissage, a tenté une stratégie décalée qui l’a propulsé en tête de l’épreuve pendant dix tours, le temps que les favoris s’arrêtent aux stands. Cette parenthèse stratégique a offert un moment historique : Antonelli est devenu le plus jeune pilote de l’histoire de la F1 à mener un Grand Prix, battant de trois jours le record de Max Verstappen. Et ce n’est pas le seul : son chrono en 1’30’’965 en fin de course lui permet aussi d’être le plus jeune auteur d’un meilleur tour en Grand Prix.

Mais au-delà des statistiques, c’est la manière qui impressionne. Là où certains jeunes s’effondrent sous la pression, Antonelli a tenu la cadence, gagné des places, et tenu la comparaison avec son coéquipier Russell, qu’il n’a devancé que d’1.3 seconde à l’arrivée. Sur un tracé aussi redoutable que Suzuka, c’est tout sauf anodin.
Il lui manquera une victoire pour devenir le plus jeune vainqueur de l’histoire, une occasion qui s’éteint définitivement après cette manche, mais Antonelli n’a pas dit son dernier mot. Trois Grands Prix, trois entrées dans les points, des records de précocité à la pelle : l’Italien est peut-être le rookie le plus prometteur depuis Hamilton. Et ce n’est pas qu’une formule.
Flop 1 – McLaren, ou l’art de ne pas trancher
Deuxième et troisième sur la grille de départ, Lando Norris et Oscar Piastri avaient théoriquement une vraie chance de contester la suprématie de Max Verstappen. Pourtant, après 53 tours de poursuite stérile, les deux McLaren ont franchi la ligne exactement dans l’ordre où elles l’avaient quittée. Pire encore : à aucun moment, le duo papaye n’a réellement menacé la Red Bull.

Le scénario s’est figé très tôt : Norris a tenté une attaque audacieuse dans les premiers mètres, mais a dû se rabattre derrière le Néerlandais. Ensuite, lors de l’unique arrêt au stand, McLaren a aligné sa stratégie sur celle de Red Bull, envoyant Norris et Verstappen dans la voie des stands au même tour. Résultat : une sortie musclée, une passe d’armes sur la ligne blanche, un passage dans l’herbe… et toujours Norris derrière.
Dans les derniers tours, Oscar Piastri s’est approché dans la zone DRS de son coéquipier. L’Australien, certain d’avoir « un rythme méga », a demandé s’il pouvait passer pour tenter sa chance sur Verstappen. McLaren a décliné, préférant préserver les positions. Une décision qui interroge : si la victoire était l’objectif, pourquoi ne pas avoir tenté le tout pour le tout ? Norris a reconnu que « le rythme était trop similaire » pour espérer battre la Red Bull. Peut-être, mais refuser d’explorer toutes les options laisse un goût d’inachevé.
Flop 2 – Lawson : encore du chemin à parcourir
De retour en piste au Japon dans la VCARB 02, Liam Lawson avait une belle opportunité pour marquer des points – au propre comme au figuré – dans l’échiquier interne de Red Bull. Pourtant, malgré une bonne base posée en qualifications, le Néo-Zélandais a manqué d’éclat et a terminé sa course en dehors du top 10, dans un anonymat presque frustrant.

Face à un Isack Hadjar impressionnant de maîtrise pour son premier Grand Prix en tant que titulaire, Lawson a été globalement dominé tout au long du week-end. En qualifications d’abord, où il termine derrière le rookie français, et en rythme de course ensuite, où il n’a jamais vraiment pu prétendre à un meilleur résultat. Ce manque d’impact immédiat pourrait peser lourd dans la balance, surtout dans un contexte où les choix de pilotes chez Red Bull sont déjà très débattus.
Cela dit, il serait injuste de tirer des conclusions définitives. Lawson découvrait cette version 2025 de la voiture, avec peu de roulage et peu de repères. Il n’a pas commis d’erreur flagrante, et n’a pas démérité. Mais pour convaincre les décideurs de Milton Keynes de lui redonner une vraie place à long terme, il devra se montrer bien plus incisif dès ses prochaines apparitions.
Flop 3 – Tsunoda, la promesse reste en suspens
C’était son premier Grand Prix dans la Red Bull officielle, et c’était chez lui, à Suzuka. Yuki Tsunoda rêvait forcément de marquer les esprits, voire plus. Il parlait de podium dès les premiers jours du week-end. À l’arrivée ? Une 12e place, en dehors des points.
La déception était palpable. Un raté en Q2 l’avait condamné à partir depuis le fond du peloton. En course, il a gagné quelques positions mais jamais suffisamment pour se mêler à la lutte devant. Tsunoda n’a pas démérité, et son rythme en essais libres avait donné de l’espoir. Mais à domicile, dans cette configuration exceptionnelle, l’occasion était belle de marquer un grand coup.

Le pilote japonais a reconnu une frustration compréhensible : « C’est une course par an, chez moi, donc c’était un peu dur. » Dans l’ombre d’un Verstappen intouchable, Tsunoda devra maintenant confirmer que cette 12e place n’est qu’un faux départ et non un plafond.
Flop 4 – Un Grand Prix oui, mais sans grandes actions
C’est peut-être le vrai flop de ce Grand Prix du Japon : son manque total de rebondissements. Hormis un dépassement de Lewis Hamilton sur Isack Hadjar, le top 10 est resté d’une stabilité impressionnante. Ou plutôt inquiétante.
Qualifié derrière Norris et Piastri, Verstappen a gardé la tête haute sans frémir. Le top 6 n’a pas bougé, et la hiérarchie s’est figée très tôt. Pas de voiture de sécurité, pas de stratégie décalée, pas de duel en piste à l’avant. Même les tentatives de Piastri sur Norris se sont résumées à un échange poli par radio, sans conséquences.
Pour les fans européens qui ont mis leur réveil à l’aube, l’amertume est réelle. Suzuka est un tracé mythique, un théâtre de grandes batailles. Cette édition 2025, trop sage, risque d’être vite oubliée, d’autant plus avec les deux prochains week-ends. Prochain rendez-vous à Bahreïn avec des horaires beaucoup plus acceptables.
Laisser un commentaire